Contexte

Par dessus tout autre bruit, le crépitement des arquebuses couvre le cris des soldats et les râles des mourants. Une lourde fumée s’étend, dissimulant le champ de bataille. Quand elle se lève enfin, une dure réalité s’affiche : le clan Takeda gît, décimé, sur le champ de bataille de Nagashino en ce 28 juin 1575. Deux ans seulement après la grande victoire de Mikatagahara face à Tokugawa Ieyasu, le clan Takeda sombre.

Mais entre-temps, les choses ont bien changé. La première chose est que Takeda Shingen, le Tigre de Kai, l’un des daimyos les plus redoutés de tout le Japon, est mort. Peu après Mikatagahara, il est mortellement blessé lors d’un siège, celui du château de Noda. La légende dit que la garnison assiégée, certaine de sa défaite, aurait fait un sort à l’ensemble de la réserve de Saké de la garnison. A cette occasion, l’un des assiégés aurait joué de la flûte, attirant Takeda Shingen à proximité des remparts, intrigué. Il aurait alors été frappé d’un tir d’arquebuse. Les Takeda, effarés par la blessure de leur seigneur, se retirent en catastrophe.

Avant de mourir, Takeda Shingen ordonne à ses généraux de taire sa mort, et aurait fait jurer à son fils, Katsuyori, de faire de même et de rester sur la défensive pendant plusieurs années. Le Tigre de Kai comptait sur sa terrible réputation afin de sauvegarder le clan. Rares étaient ceux qui étaient enclins à l’affronter directement. Selon Jeroen P. Lamers, toutefois, la manœuvre fut un échec. Dans “Japonius Tyrannus“, il estime que tant Oda Nobunaga que Tokugawa Ieyasu comprirent rapidement que Takeda Shingen était mort, et en profitèrent. Pire encore, les alliés des Takeda (les Hojo, le Shogun) furent laissés, eux, dans l’ignorance de cette mort.

Du côté des Takeda, la mort de Shingen laisse incontestablement un vide. Son fils, Katsuyori, est regardé de travers par une partie des vassaux du clan. Shingen était si entiché de la mère de son fils que certains croyaient qu’elle n’était pas une femme mais un démon-renard (une “kitsune”) qui aurait ensorcelé leur seigneur. Le fils maudit souffre aussi d’un besoin certain d’être reconnu. Il est le fils de Takeda Shingen, l’un des plus grands seigneurs de son temps et reconnu comme tel. Il se doit désormais d’endosser le rôle de son père et d’en être à la hauteur. Fardeau aussi lourd que, malheureusement impossible. Si Katsuyori n’est pas un mauvais seigneur non plus qu’un mauvais général, il n’est pas du niveau de son père. Et son besoin d’essayer de l’être le pousse à ignorer toute prudence, contre l’avis des 24 grands généraux de son père.

Takeda Katsuyori

Préambule à la campagne

Afin de comprendre la campagne de Nagashino, il est aussi nécessaire de revenir sur quelques données supplémentaires. L’une des raisons ayant permis à Takeda Shingen d’envahir les province de Totomi et de Mikawa en 1573 était le ralliement, quelques années auparavant, d’un seigneur local, Okudaira Sadayoshi. Petit seigneur local, ce dernier était toutefois le maître de la forteresse de Furuyumi, construite directement entre Shinano (appartenant aux Takeda) et Mikawa. Cette position avait permis aux Takeda de menacer les Tokugawa à peu de frais. En 1573, toutefois, après la mort de Shingen, Okudaira Sadayoshi passe avec armes et bagages (et forteresse) aux Tokugawa. Au même moment, Tokugawa Ieyasu s’empara d’une forteresse Takeda dans la même zone, la forteresse de Nagashino. Qu’il confia alors au fils de Sadayoshi, Sadamasa.

La nouvelle de ce retournement (qui, disons-le, n’était pas inhabituel à l’époque) enragea Takeda Katsuyori, qui fit alors crucifier la femme et le jeune frère de Okudaira Sadamasa. Inutile de dire que ce dernier goûta peu cette punition, ce qui renforça sa détermination à servir Ieyasu. La même année, toujours en 1573, Takeda Katsuyori ignora les ordres de son défunt père et les remontrances de ses généraux et décida d’une première campagne militaire. Les Takeda s’avancèrent à nouveau en Totomi, jusqu’à Hamamatsu. Quelque peu refroidi par le désastre de Mikatagahara, Tokugawa Ieyasu resta cette fois-ci derrière ses murs, et les Takeda en furent pour leurs frais.

Entrée en campagne

En 1575, le 30 mai, nouvelle tentative. Katsuyori compte notamment sur la trahison négociée d’un autre vassal de Ieyasu, Ogasawara Yashiro. D’un orgueil démesuré, ce dernier aimait entendre dire que même le soleil ne pouvait se lever sans que lui, Yashiro, ne lui en donne la permission. Le seigneur faisait partie du cercle rapproché de Ieyasu, et était souvent en première ligne dans les grandes batailles des Tokugawa, comme à Anegawa, confirmation pour Ogasawara Yashiro de son importance. La réalité était bien différente : Ieyasu n’était absolument pas dupe de la duplicité de son vassal, et tenait simplement à le garder sous ses yeux, voire à le mettre autant en danger que possible.

Ogasawara Yashiro, donc, promet à Katsuyori de lui livrer la place forte d’Okazaki. Las pour lui, et alors que les Takeda sont déjà en chemin, Ieyasu le fait arrêter et ramener à Hamamatsu. Sa famille est exécutée sous ses yeux, et Yashiro est enterré jusqu’au cou, les passants ayant ordre de le frapper au cou avec une scie de bambou. Au bout de sept jours de supplice, l’homme mourut enfin. L’échec de cette trahison laisse les Takeda dans l’inconnu. Attaquer Hamamatsu ? Se retirer ? Trouver une autre cible ? C’est la troisième option qui a la faveur de Katsuyori, qui se voit mal simplement repartir la queue entre les jambes, et attaquer Hamamatsu est trop risqué. Une première cible, le château de Yoshida, résiste aux Takeda. Affaibli, Katsyuori sent la gronde monter dans les rangs. Les Takeda, si souvent victorieux, ne seraient sortis en campagne que pour parader ? Le jeune maître des Takeda a besoin d’une victoire. Il se résout à porter son dévolu sur une forteresse perdue deux ans auparavant, et qui est un véritable atout : Nagashino. La reprendre serait un véritable succès et lui offrirait une porte d’entrée pour de futures campagne. La victoire devrait être simple : la garnison ne compte que 400 ou 500 hommes. Les Takeda sont au nombre de 15 000. La victoire est assurée, le siège ne saurait s’éterniser.

Mais en face, la garnison est menée, nous l’avons vu, par Okudaira Sadamasa. Voir sous ses murs le détesté Katsuyori, qui a fait tuer sa femme et son frère, l’enrage. Il entraîne dans une résistance acharnée l’ensemble de ses hommes, et repousse durement les assauts des Takeda. Une tour de siège, érigée à grands frais, est détruite sans parvenir jusqu’aux murs. Mais les Takeda sont trop nombreux, et disposent qui plus est de sapeurs d’une qualité inégalée (en raison de l’exploitation durable de mines d’or dans la province de Kai). Au bout de 6 jours, une partie des remparts s’écroule et les assaillants incendient le ravitaillement de la place. Satisfait, Katsuyori retire ses hommes et fait resserrer le siège, comptant sur la famine pour achever le travail.

Les secours s’organisent

Ayant perdu ses provisions, la garnison de Nagashino commence à perdre espoir. D’autant que pèse désormais sur eux la menace du cannibalisme, en plus de l’armée Takeda qui les encercle. C’est alors qu’un samouraï, Torii Sune’emon, se propose pour une mission de la dernière chance : traverser les lignes Takeda et courir jusqu’à Hamamatsu pour implorer Ieyasu de leur venir en aide. Le courageux samouraï parvient à se glisser hors de la forteresse et à échapper aux pièges et aux gardes postés autour par les Takeda, avant de courir de toutes ses forces jusqu’à Hamamatsu, où il peut alors implorer Ieyasu de secourir Nagashino.

Ieyasu, de son côté, n’était pas resté inactif après le départ de Katsuyori de sous ses murs. En plus de mobiliser ses forces, le maître de Mikawa s’était aussi adressé à son allié Oda Nobunaga. En 1573, le peu de motivation des renforts Oda à Mikatagahara avait été l’une des causes de la défaite, et Ieyasu se montre très clair. Ou bien Oda Nobunaga se décide à le soutenir sérieusement, ou bien lui, Ieyasu, pourrait bien changer de camp et rejoindre les Takeda. Notons que Ieyasu est possiblement le seul à pouvoir ainsi poser un ultimatum à Oda Nobunaga et à être entendu.

Inquiet de cette menace, Oda Nobunaga revient donc à Mino afin de se préparer à soutenir Ieyasu. S’il n’amène pas avec lui la totalité de ses généraux – puisqu’il reste en conflits dans le centre avec le siège Hongan-Ji, plus loin au sud avec les Mori, et ailleurs encore -, Nobunaga ramène toutefois à ses côtés certains de ses meilleurs hommes, comme Hashiba Hideyoshi, Niwa Nagahide, Akechi Mitsuhide et Shibata Katsuie. Il amène également avec lui un corps de 2 500 à 3 000 arquebusiers spécialement entraînés, en plus d’une troupe nombreuse de près de 30 000 hommes, dix fois plus que pour Mikatagahara. Car pour Nobunaga, il ne s’agit pas juste de satisfaire son allié. Il y voit une opportunité pour détruire une menace qui pèse sur lui depuis des années, et stabiliser son pouvoir à Kyoto.

Torii Sune’emon prévenant ses camarades de l’arrivée des renforts

Ieyasu, de son côté, renvoya Torii Sune’emon avec la promesse qu’il se mettait en campagne immédiatement, et mobilise pour sa part 8 000 hommes, le cœur de sa force, avec de grands noms comme Honda Tadakatsu. Torii Sune’emon s’en retourne alors à Nagashino afin de rapporter la bonne nouvelle à ses camarades. Hélas pour lui, il se fait cette fois-ci capturer par les Takeda. Mené devant Katsuyori, il accepte de changer de camp. Les Takeda l’amènent alors sous les murs de Nagashino afin qu’il hèle ses anciens camarades et leur dise qu’aucun secours ne viendra, ce qui briserait sans doute leur résistance. Torii Sune’emon, au mépris de sa propre vie, hurle alors que Ieyasu est en chemin et qu’il ne faut surtout pas abandonner. Le brave samouraï est crucifié sous les yeux de ses camarades et meurt. Son sacrifice inspirera un seigneur présent, qui changera ses armoiries pour représenter Sune’emon.

La bataille

Le 23 juin, les Oda et les Tokugawa font jonction et s’avancent ensemble vers Nagashino. Ils s’en approchent le 27 juin en s’installant dans la plaine de Shidarahara, bordée d’une rivière d’un côté et par des collines de l’autre. Là, Oda Nobunaga fait ériger une série de fortifications, de barricades en bois, de fossés et de remparts de terre. Bien que supérieur en nombre, l’armée des coalisés ne veut pas sous-estimer les Takeda. Mikatagahara a bien montré à quel point ces derniers peuvent être redoutables, et la puissance de leur cavalerie. Tant Oda Nobunaga que Tokugawa Ieyasu savent aussi que si Katsuyori est jeune, les généraux qui l’accompagnent n’ont rien à envier à personne. Ce sont les survivants des guerres de Shingen, des guerriers redoutables, des stratèges retors. Il ne faut pas leur laisser la moindre ouverture.

Sous les murs de Nagashino, justement, les Takeda tiennent conseil. Faut-il se retirer ? Faut-il tenter, dans un dernier effort, attaquer la garnison diminuée et affamée de Nagashino et se reposer ensuite sur ses fortifications pour tenir à distance l’ennemi qui approche ? Ou bien faut-il prendre les devants et s’avancer face à l’ost plus nombreuse ? Baba Nobuharu et la majorité des généraux soutiennent l’option de la prudence. Il faut, disent-ils, prendre Nagashino au plus vite, afin de ne pas être pris entre deux feux, et se laisser une porte de sortie. Mais une autre voix s’élève, celle d’Atobe Oinosuke. Il serait déshonorant de choisir la prudence, dit-il. Les Takeda ne sont-ils pas redoutés de tous ? Allons et marchons sur l’ennemi. Pour Katsuyori, qui veut se montrer digne de son père, cet appel à l’honneur et à la réputation des Takeda, cet appel est déterminant. Fi de la prudence, les Takeda iront à la bataille.

Sur les 15 000 guerriers de l’ost, 3 000 resteront sous les murs de Nagashino et les 12 000 autres, menés par la majorité des grands généraux et par Katsuyori lui-même, iront affronter l’alliance Oda-Tokugawa. Les Takeda se déploient alors. Leurs adversaires étant déjà installés, eux-mêmes se positionnent en face, dans les bois. La nuit du 27 juin est marquée par de fortes pluies, ce que Katsuyori considère positivement. Il sait, par ses éclaireurs, que Oda Nobunaga dispose d’un fort contingent d’arquebusiers. La pluie, en humidifiant la poudre, va rendre leurs armes inefficaces. Au matin, l’armée des Takeda émerge donc des bois et se prépare à la bataille. Face à eux, les Oda et les Tokugawa sont présents, retranchés derrière leurs fortifications. Tous en sont plus ou moins conscients : le sort de cette bataille va se jouer sur la charge de la cavalerie.

Katsuyori est confiant. Les arquebusiers ennemis ne devraient pas pouvoir arrêter la charge. Que pourront bien valoir quelques fortifications de bois ? Son armée est composée de l’élite du clan Takeda, parmi les meilleurs combattants du Japon, des vétérans. Ses généraux sont reconnus comme étant parmi les meilleurs. Son père, Shingen, lui a légué une armée bien organisée et redoutable. La victoire, la grande victoire qu’il lui faut afin de enfin se hisser au niveau de son père, est à portée. Il ordonne la charge, et la première vague de cavalerie Takeda s’élance. Ce sont les meilleurs, les plus braves, les plus endurcis. Une fois que cette première vague aura enfoncé l’ennemi, les renforts suivront et achèveront le travail.

Les cavaliers s’élancent, prennent de l’élan, se rapprochent de la ligne défense derrière laquelle leurs ennemis terrifiés sont terrés. Mais soudain, la charge ralentit. Non pas qu’elle hésite, au contraire. Mais l’ennemi ne s’est pas installé là par hasard. Les fortifications des Oda sont précédés de petites ravines, d’un ruisseau. La terre est détrempée en raison de la proximité de la rivière. La cavalerie s’empêtre dans cette terre lourde, doit négocier le franchissement du ruisseau. Elle ne peut maintenir sa vitesse. Cela ne suffit pas à l’arrêter, mais cela la ralentit.

Et face à eux, ce ne sont pas des fantassins terrifiés qui leur font face. Mais une armée disciplinée et tout aussi bien organisée. Et une pluie de projectiles s’abat sur mes guerriers Takeda ralentis. Pire encore, un bruit tonitruant éclate. Les arquebusiers Oda ont ouvert le feu. En prévision de la pluie, Oda Nobunaga avait fait protégé la poudre de ses hommes dans des boîtes recouvertes de laque, un produit pourtant très cher. L’expédient fonctionne, et permet maintenant aux arquebusiers d’ouvrir le feu. Mais pas un feu désordonné, plus ou moins coordonné. Non. Les arquebusiers Oda, protégés derrière les palissades de bois et les rangs d’ashigarus, sont en ligne et tirent méthodiquement un feu roulant, dévastateur. Oda Nobunaga ne s’est pas contenté d’amener 3 000 arquebusiers. Il les a entraîné et vient de révolutionner l’art de la guerre au Japon. Ses escouades d’arquebusiers, ses teppogumi ashigaru, tirent un feu roulant sur trois rangs. La puissance de feu s’en trouve décuplée.

La première vague s’obstine, tente de relancer la charge. En vain. Durement frappé par les tirs d’arquebusiers, manquant de vitesse, la cavalerie Takeda n’a plus la puissance pour passer les fortifications érigées par les Oda. Pire, ceux-ci en émergent pour s’attaquer aux cavaliers à l’arrêt, avant de se replier à l’abri au besoin. Là encore, le génie d’Oda Nobunaga est visible. Les fortifications ont été érigées au bon endroit, avec diverses ouvertures laissées afin de permettre des sorties.

Mais surtout, Oda Nobunaga n’a pris aucun risque : il a déployé à travers toute son armée ses propres suivants. Ses meilleurs hommes, les plus loyaux, sont réparties à travers toute l’armée, la dirigeant et assurant sa cohésion et son courage. Les arquebusiers, notamment, sont encadrés de très près par plusieurs de ses meilleurs officiers, permettant leur cohésion et une discipline maximum. Aussi, les ashigarus Oda ne cèdent pas face au choc qui les menace.

Bataille de Nagashino

La première vague des Takeda s’entête, se lance encore et encore à l’assaut. Sans succès. Une partie tente un contournement pour attaquer le flanc de l’ost ennemie. Menée par Baba Nobuharu, elle semble rencontrer du succès. Las, c’est un piège. Le flanc est dirigé par Hashiba Hideyoshi, qui y a érigé ses propres fortifications en forme de labyrinthe. Il y entraîne les cavaliers Takeda, frustrés de leurs échecs, les y disperse, les y perds et les y massacre. Là, comme au centre, l’organisation supérieure de l’armée Oda-Tokugawa prévaut sur la valeur guerrière des Takeda.

Le mythe veut que la bataille de Nagashino se soit décidée sur cette première charge et les premières volées d’arquebuses. C’est faux : les Takeda, bousculés mais pas brisés, vont s’obstiner tout au long de la journée. Katsuyori, refusant la défaite, engage les unes après les autres ses formations. Charge après charge, les Takeda se lancent à l’assaut. Sans succès. Les unes après les autres, les offensives sont repoussées, massacrées. L’aile droite parvient bien à progresser, mais est à son tour repoussée par Honda Tadakatsu et ses hommes. Les Oda et les Tokugawa, bousculés, résistent à toutes les offensives. La discipline instituée dans leurs rangs par les hommes de Nobunaga tient bon.

La charge des Takeda échoue sur les barricades Oda

Finalement, au travers de la fumée qui recouvre le champ de bataille, Oda Nobunaga estime son heure venue. Il fait sonner la victoire et ordonne à son tour une offensive générale. La totalité de l’armée s’extirpe des palissades et se lance à son tour à l’assaut des Takeda. Ceux-ci, ensanglantés, massacrés, épuisés par des combats incessants, ne peuvent plus soutenir le choc. Finalement, après des heures de combat, les Takeda flanchent, puis reculent. Katsuyori, malgré ses efforts, ne peut rallier ses troupes et il est lui aussi acculé à la fuite. Le désastre, pour les Takeda, est complet. La victoire de Oda Nobunaga et de Tokugawa Ieyasu est complète et absolue.

Après-bataille

Alors que la fumée se dissipe sur le champ de bataille, l’horrible vérité se révèle : la fine fleur du clan Takeda est décimée. Sur les 13 000 soldats engagés, près de 10 000 gisent morts au soir de la bataille. Les plus grands généraux des Takeda gisent avec leurs hommes. Baba Nobuharu, le plus vieux, compte au nombre des morts. On peut noter que les historiens estiment qu’habituellement, une armée commence à fuir à partir de 10 % de pertes. Les Takeda ont continué le combat malgré des pertes bien supérieures, ce qui est à mettre à leur crédit. Mais ces pertes sont insurmontables pour le clan si redouté. Plus jamais les Takeda ne seront en mesure d’être une menace, et leur lente agonie va s’étendre sur sept années, jusqu’en 1582. Peu à peu abandonnés par ses vassaux, Takeda Katsuori sera réduit à fuir sa propre forteresse. Une ironie cruelle pour le fils de Shingen, qui proclamait que la loyauté de ses hommes était le plus sûr et le plus solide de tous les remparts. Traqué par ses ennemis, il finira isolé, n’ayant plus autour de lui que 300 guerriers, les derniers fidèles. Encerclé à Tenmokuzan, il se suicide avec sa famille pendant que ses derniers hommes se font tuer sur place. Avec eux disparaît à jamais le grand clan Takeda.

De leur côté, Oda Nobunaga et Tokugawa Ieyasu sont les grands vainqueurs incontestés de cette lutte à mort. Les Takeda, l’un des clans les plus dangereux du Japon, sont réduits à rien. Nobunaga a prouvé une fois de plus son génie militaire incontestable, et le Japon fait un pas de plus dans la professionnalisation des armées. Si l’usage des arquebuses était déjà largement répandu au Japon (Takeda Shingen prédisait dès 1548 qu’elles changeraient la face de la guerre), leur usage coordonné et en volée a fait preuve d’une efficacité indéniable.

Oda Nobunaga retourne à Kyoto, laissant à Ieyasu le soin de s’occuper du Nord. Ce dernier s’empare progressivement de Shinano et de Kai, renforçant sa puissance personnelle. Hashiba Hideyoshi, lui, est récompensé pour ses exploits et croit toujours plus en force et en puissance. L’ancien ashigaru fait clairement partie du premier cercle de Nobunaga. Rien ne semble plus pouvoir arrêter la domination de Nobunaga sur le Japon.

Bibliographie :

– “1575, bataille de Nagashino – La « Révolution militaire » débarque au Japon”, Julien Peltier, 2017

– “Japan, the story of a nation”, Edwin O. Reischauer, 1981

– “A History of Japan 1334-1615”, George Sansom, 1958

– “Sengoku Jidai. Nobunaga, Hideyoshi, and Ieyasu: Three Unifiers of Japan” – Danny Chaplin, 2018

– Shogun: The Life of Tokugawa Ieyasu, A.L. Sadler, 2009

– “Japonius Tyrannus”, Jeroen P. Lamers, 2000


0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *