
Ci-dessus : Bataille de Rossbach opposant l’armée prussienne du roi Frédéric II aux troupes franco-impériales du roi Louis XV de France et de l’impératrice du Saint-Empire Marie-Thérèse d’Autriche
Une guerre est un conflit armé entre deux groupes d’êtres humains à grande échelle. Ces dernières ont connues maintes et maintes évolutions dans le temps. En Grèce antique, la stratégie militaire la plus répandue sur le sol était la phalange, et les batailles maritimes étaient à leurs débuts. Au Moyen-Âge, on voit l’apparition et l’utilisation de la piétaille, pour contrer la cavalerie. En plus de ces fantassins, l’artillerie a aussi fait ses débuts, grâce au trébuchet, qui permettait de lancer de gros rochers à un petit rythme. La stratégie en vogue à cette période était celle du siège. Malgré l’image que l’on peut avoir de ces temps, les rois n’étaient pas les seuls à pouvoir faire la guerre, et les seigneurs se la déclaraient entre eux. C’est avec la création des États modernes que la guerre est devenue un privilège du roi, qui payait une armée de métier et des mercenaires. Leurs coûts étant élevés, les armées étaient de taille réduite, comme on peut le voir durant la guerre de Trente ans, de 1618 à 1648. Nous pourrions donc ici citer le théoricien de la guerre prussien Carl Von Clausewitz (1780-1831), auteur du livre De la guerre, qui disait que: «la guerre est comme un caméléon, elle change constamment de forme.» Quelles évolutions la guerre a-t-elles connues du XVIIIe siècle à nos jours? Nous étudierons d’abord le basculement de guerre «réelle» à guerre «absolue» au début du XIXe siècle, puis nous nous pencherons sur les guerres absolues voire totales de la Première Guerre mondiale à la Guerre Froide, et nous aborderons les nouvelles formes des guerres actuelles.
La guerre de Sept Ans : une guerre classique à l’envergure géographique sans précédent
Premièrement, les guerres de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle manque une rupture avec les guerres les plus anciennes. Pour le polémologue Bruneau Cabanes : «Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, dans le sillage des révolutions françaises et américaines, la guerre change de nature en Amérique du nord et en Europe: d’un duel entre monarques, elle passe à des combats entre armées de nations.» La guerre de 7 ans est un conflit classique dans ses origines, puisqu’il a débuté pour des raisons politiques, comme la volonté anglaise de récupérer les colonies françaises en Amérique du nord, et pour imposer sa domination sur les mers. Ce conflit, qui commença en 1756 et s’arrêta en 1763 est aussi le terrain de batailles toute à fait classiques, comme celle de Rossbach en novembre 1757, où les armées françaises et prussiennes s’affrontent avec une formation classique de l’époque, avec une cavalerie à l’arrière et une infanterie devant. Mais si cette guerre est si spéciale, c’est bien par son ampleur géographique: la France, la Russie, l’Autriche et la Prusse, le Royaume-Uni, le Portugal se sont affrontés aux Caraïbes, en Europe, en Amérique du nord et en Afrique. Si on reprend les définitions de Clausewitz, ce conflit est une guerre réelle, puisque les moyens utilisés sont proportionnels aux volontés politiques (voire la stratégie défensive de Frédéric II), et que le but n’est pas à l’extermination de l’ennemi, puisque des pourparlers ont eu lieu dès 1761. On y voit cependant une une très claire montée aux extrêmes, que ce soit via l’ampleur géographique du conflit, via les violences infligées aux populations comme la déportation des habitants d’Acadie, mais aussi via les modalités du traité de Paris de 1763, dans lequel l’entièreté de l’empire colonial français en Amérique est démantelé, à l’exception de Saint Pierre et Miquelon.
Les guerres de la fin du XVIIIe, l’apparition du citoyen soldat et de la petite guerre:
Une autre étape de la montée aux extrêmes sont les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. La France venait alors de devenir une Nation, et si elle déclare la guerre à l’Autriche en 1792, c’est toujours pour des raisons politiques, même chose pour les guerres de Napoléon après la campagne d’Égypte en 1799. Le grand changement de ces conflits se remarque surtout à la bataille de Valmy en septembre 1792, durant laquelle un groupe de civils français arrive à tenir tête à une armée professionnelle: c’est la naissance du citoyen soldat. L’armée n’est plus composée de militaires payés, mais de citoyens volontaires ou recrutés par circonscription. En France, ce phénomène se nomme «la Nation en armes», puis «la Grande Armée», et l’armée française atteint à son apogée environ 200000 soldats. Ce concept s’est répandu lors des guerres napoléoniennes aux autres pays d’Europe. Il y a également eu l’apparition de ce que Clausewitz appelle la «petite guerre» en Espagne, puisque de 1806 à 1814, des groupes civils espagnols ont essayé de se révolter, malgré la répression bonapartiste. Ces conflits restent donc des guerres réelles, mais la montée aux extrêmes continue.
Les Guerres mondiales: les premières guerres «absolues», «voire totales»
Deuxièmement, les guerres du XXe siècle deviennent de plus en plus meurtrières avec de moins en moins de limites. La première guerre mondiale peut être considérée comme la première guerre absolue, ce qui signifie selon Clausewitch et sa définition, que le but était l’annihilation de l’État ennemi. Non seulement très meurtrière – environ 10 millions de mort pour 3 millions entre 1799 et 1815, les civils sont également impliqués dans l’effort de guerre. L’économie entière des pays est tournée vers la guerre, et ils la continuent malgré les titanesques coûts qui les poussent à la ruine. Les civils sont également plus ciblés avec les bombardements sur les villes, plus particulièrement sur les usines. Malgré la signature d’un armistice, cette guerre est absolue puisque le «Diktat» de 1918 a pour but que l’Allemagne ne puisse plus jamais se relever. On voit aussi l’apparition d’un nouveau terme, créé en parti par David Bell, celui de «guerre totale», une guerre où l’on cherche à détruire l’armée, mais aussi la population, l’art et la culture de l’ennemi. Celle ci a de nombreuses conditions, principalement l’implication des civils dans la lutte idéologique et la diabolisation. C’est lors de la Seconde Guerre mondiale que la définition est presque appliquée puisque la guerre échappe du contrôle des politiques, et que lors de la Shoah, les Nazis essayent de faire entièrement disparaître les juifs et leurs cultures.
La Guerre Froide, les premières guerres périphériques
Après ces deux guerres, commence la Guerre Froide, qui peut être résumée par la phrase: «paix impossible, guerre improbable.» En effet, les États-Unis et l’Union Soviétique n’ont jamais eu d’affrontements directs, et ont eu des conflits périphériques, comme le blocus de Berlin ou la crise des missiles de Cuba. Une guerre directe n’est jamais déclarée à cause de la dissuasion nucléaire. Cette période est également propice aux guerres civiles, comme en Chine ou au Vietnam, dans lesquels la «guérilla» ou «petite guerre» est énormément utilisée. Parfois, certains États y interviennent, et participent alors à des guerres asymétriques, c’est à dire opposant un État à un groupe d’individus, comme en Afghanistan ou au Vietnam. Le militaire est de retour sous le contrôle du politique, comme montré lorsque le président étasunien Truman refuse d’utiliser la bombe atomique en Chine pendant la guerre de Corée malgré les pressions du général MacArthur.
La guerre, comme logique d’État
De nos jours, de nouvelles formes de conflits ont lieu. Ces conflits sont souvent des guerres irrégulières, c’est à dire sans front défini, opposant une armée d’État à des combattants civils. Les deux facteurs facilitant ces nouvelles guerres sont les problèmes économiques et sociaux d’États nommés «Failed States», car incapables de prendre en charge leurs diverses fonctions, comme la sécurité, la collecte de taxes voire la justice. Ceux-ci intègrent donc la guerre comme une partie intégrante de leur fonctionnement, afin de récupérer des ressources nécessaires. On observe donc de nombreuses guerres civiles ou interétatiques en Afrique subsahariennes qui regorge de Failed States.
Le terrorisme transnational, une nouvelle forme de guerre
Une autre forme de guerre irrégulière est celle contre l’islamisme. Les islamistes ont pour volonté d’instaurer une société respectant la Charia, et qui se repose souvent sur des pensées salafistes. Le groupe terroriste «Al-Qaïda», «la base» en arabe; a été créé en 1988 par Oussama ben Laden, Ayman al-Zawahiri et Abdallah Azzam. Ce groupe s’allie avec les talibans en 1996, et commencent peu après leurs attaques terroristes comme sur les ambassades étasuniennes à Nayrobi, puis celles du 11 septembre 2001, sur le World Trade Center et le Pentagone. Il n’y a pas de front défini pour cette guerre, puisque le groupe commet des attentats partout dans le monde. Qui plus est, ce conflit pose des questions de légalité, puisqu’ils ciblent des civils, et que leurs combattants ne sont pas officiels. Pour Daesh, il y a eu jusqu’à 2014 un Califat qui a été proclamé, et donc un front, mais celui ci se dissipe avec la fin du califat et les attaques terroristes comme celles de 2015 en France. Ces groupes pratiquent tous le terrorisme, c’est à dire le fait de cibler les civils pour faire peur et influencer les décideurs, des pays «apostats», ou des pays de l’occident.
Les formes de la lutte contre le terrorisme
Ces derniers ont d’ailleurs mis en place des réponses, et ont formé une coalition contre Al-Qaïda. Afin de battre ce nouveau type d’ennemi, qui se fondent parmi les civils, les États se basent sur des métadonnées ou sur d’autres informations pour tuer ces combattants: c’est ce que l’on appelle «le regard qui tue». Les nations occidentales horrifiées par l’idée de perdre leurs soldats, traumatisées notamment par les Guerres mondiales, emploient donc des sociétés militaires privées, comme Academi (anciennement Blackwater) ou Wagner sont contractés, et les drones ont été démocratisés, notamment pendant les mandats d’Obama. La peur des États que ces combattants aient accès à des armes irrégulières les poussent à développer des domaines comme la cybersécurité. Les combattants prisonniers sont souvent torturés, en se servant du flou juridique de ce conflit et de leurs statuts comme excuses. Ces guerres irrégulières ont donc apporté beaucoup de changements au domaine militaire, tout en contribuant à la montée aux extrêmes, comme on peut le voir chez «la croisade du bien contre le mal» de George W. Bush.
On peut donc conclure que les guerres ont grandement évolué du XVIIIe siècle à nos jours, en devenant de plus en plus extrêmes, puis en changeant de forme en évitant les conflits directs, puis en devenant asymétriques et irréguliers, en opposant armées régulières à des combattants usant de la guérilla et du terrorisme. On pourrait donc s’interroger sur la validité du modèle de Clausewitzien de la guerre de nous jours, face aux évolutions incessantes du domaine martial.
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