Question problématisée (1h) :
Pour quelle raisons la Première Guerre Mondiale peut-être considérée comme une guerre totale ?
Introduction : Le 28 juin 1914, l’héritier du trône d’Autriche, l’archiduc François-Ferdinand, est assassiné par un nationaliste serbe à Sarajevo. Posant un ultimatum à la Serbie, l’Autriche-Hongrie voit la Russie se mobiliser contre elle. L’engrenage d’alliances interétatiques plonge le continent européen dans la guerre, après un début du XXème siècle marqué par des rivalités croissantes, aussi bien au niveau territorial (la France souhaite récupérer l’Alsace et la Lorraine) qu’économique (le Royaume-Uni et l’Allemagne se livrant une forte concurrence). Deux alliances se font face : d’un côté la Triple Entente (composée de la France, du Royaume-Uni et de la Russie) et de l’autre la Triplice (l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie). Prenant la forme d’un conflit dont l’intensité n’a jamais encore été égalée (la Guerre de Sécession en 1863 en constituant les prémices), nous pouvons nous demander les raisons pour lesquelles la Première Guerre Mondiale est considérée comme une guerre totale.
Développement :
I – Un conflit mondial
Tout d’abord, la dimension géographique de la “Grande Guerre” ne doit pas être négligée. En effet, son étalement tout autour du globe est inédit pour l’époque. Déjà en Europe l’affrontement se répartit sur deux fronts (en tout cas jusqu’en 1917) qui sont chacun longs de plusieurs milliers de kilomètres. A l’Ouest, à partir de août 1914, les Allemands envahissent le Nord-Est de la France et créent un front allant de la Suisse actuelle à la Manche. A l’Est, la Russie fait également face à l’Allemagne (elle cèdera dès août 1914 lors de la bataille de Tannenberg). Au-delà du continent européen, nous pouvons penser à l’Amérique qui décide, à partir d’avril 1917, d’entrer en guerre contre la Triplice. Au Proche-Orient, l’Empire Ottoman rejoint tardivement le camp des empires centraux, ce qui pousse les alliés à intervenir en 1915 aux Dardanelles. En Asie, le Japon choisit la Triple Entente, sous la pression du Royaume-Uni. Ainsi, cette polarisation globale entraîne une multitude de combats (même sous-marins, en Atlantique) qui prennent différentes formes.
II- Une violence inouïe
Même si les combats de la Première Guerre Mondiale se sont également manifestés par une guerre de mouvement jusqu’en décembre 1914 puis, plus vers la fin, en 1918, on en retient surtout l’enfer des tranchées, symboles d’une guerre de position interminable. Mauvaise hygiène, infection des blessures et présence de rats sont des éléments qui font de la tranchée un véritable enfer. Lors des combats, la violence atteint un paroxysme tel que les divers affrontements occasionnent des milliers voire des millions de morts et de blessés. Par exemple, la bataille de la Somme en 1916 fait dès le premier jour 20 000 morts et au total plus d’un million de morts, ce, pour un changement de localisation du front de à peine 10 km. Pour faire face à ces bilans auparavant inimaginables, la société tout entière doit se mobiliser.
III- Une société de guerre
Le terme “total” prend ici tout son sens lorsqu’on pense à l’impact qu’a eu la guerre dans les sociétés des nations belligérantes. Derrière le front, les armes sont fabriquées à la chaîne dans une logique de guerre industrielle. La production massive d’armes de plus en plus meurtrières (le gaz à partir de 1915, les avions et les chars après 1917) est assurée en grande partie par les femmes, surnommées “munitionnettes”. Pour les hommes, la conscription est mise en place (en 1916 au Royaume-Uni) et peuvent être rappelés du front dans le cas d’ouvriers qualifiés. L’économie doit elle aussi s’adapter pour devenir une économie de guerre se caractérisant par un lancement massif d’emprunts. On a également recours à la création monétaire (par la planche à billets) pour financer l’effort de guerre, mais qui, en même temps, provoque l’inflation et rend donc plus difficile la vie quotidienne. Ces sacrifices sont rendus possibles grâce à une intense propagande (on dit par exemple en France que “les balles allemandes ne tuent pas”) et à une censure contrôlant les lettres envoyées par les soldats à leur famille et les journaux. En France, “l’Union sacrée” accorde une place importante aux militaires dans la conduite de la France (on peut penser à G. Clemenceau qui dit “la guerre ! c’est une chose trop grave pour être confiée à des militaires”). Elle efface également les dissensions politiques pour unir le peuple autour de la défense de la patrie (réalisée après l’assassinat de Jean Jaurès, figure importante d’un socialisme pacifiste, le 31 juillet 1914), créant une sorte d’enthousiasme collectif (présent déjà les plus jeunes dont l’éducation ridiculise l’ennemi et glorifie les soldats français).
Conclusion : Pour conclure, la Première Guerre mondiale constitue une guerre totale dont le bilan humain est effroyable : 10 millions de morts, 3 millions de veuves et 6 millions d’orphelins en 1918 en Europe, provoquant une importante baisse de la natalité. Le traité de paix de Versailles en 1919 met fin à la “Grande Guerre” et prépare pourtant le prochain conflit mondial qui, cette fois-ci, ne sera pas seulement une guerre totale mais une guerre d’anéantissement avec un enjeu idéologique capital.
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