Avant de passer aux Trois Unificateurs du Japon, qui mettent fin à la Sengoku Jidai, nous allons nous attarder sur un conflit qui est très représentatif de ce que sont les conflits de cette époque trouble au Japon : la bataille de Kawanakajima. Enfin, “la” bataille. Les batailles. Car la zone voit s’affronter deux seigneurs de guerre à pas moins de 5 reprises directement sur les lieux, et certains historiens montent même jusqu’à huit affrontements en prenant en compte les manœuvres dans les environs. Ces batailles, mais surtout ses protagonistes, sont assez représentatives de la Sengoku Jidai.

D’un côté, Takeda Shingen, “Kai no Tora”, le Tigre de Kai. Maître incontesté de la province de Kai et du clan Takeda, Shingen dirige le clan après un coup d’Etat mené contre son propre père, Takeda Nobutora, en 1541. Il n’est pas tout à fait clair si ce coup d’Etat a été fomenté directement par Shingen, ou bien par les généraux de son père qui ont ensuite mis le fils au pouvoir. Certains historiens discutent même de l’hypothèse que Nobutora se serait “laissé” déposer. Quoi qu’il en soit, Takeda Shingen règne en maître sur le province de Kai. Il est reconnu pour la fermeté mais aussi la justice de son règne : il édicte notamment un code de lois et de sanctions parfois cruelles, mais qu’il applique “justement”. Il peut d’ailleurs s’enorgueillir de la loyauté de ses sujets, au point de ne pas fortifier sa résidence autant que d’autres seigneurs. On dit que Takeda Shingen prétendait que ses murs étaient ses sujets, et que si l’ennemi arrivait jusqu’à lui, c’est qu’il avait lui-même failli à ses sujets. Shingen est aussi connu pour ses politiques de grands travaux, et notamment de digues sur la rivière traversant Kai et sujette régulièrement à de grands débordements et inondations.

S’il n’a pas de concurrents intérieurs, il n’est cependant pas dépourvus d’ennemis extérieurs, et il doit fréquemment défendre ses terres contre des incursions venant du Nord, de seigneurs de Shinano, mais aussi du sud et du sud est, des Imagawa et des Hojo. Il finira toutefois par conclure une alliance tripartite plus ou moins fragile avec ces deux derniers clans. La politique d’expansion de Takeda Shingen va plutôt le mener vers le nord, en Shinano. Contrairement aux provinces du sud, tenues solidement par de grands clans capables de lui résister, Shinano est partagée entre plusieurs clans plus petits, se disputant entre eux autant qu’ils peuvent s’allier. C’est contre eux que Takeda Shingen va mener une longue guerre d’invasion, lente et pleine de contre-coups. Mais bien que lente, la conquête de Shinano par les Takeda se fait toujours plus sûre au fil des années. Entamée en 1542, elle progresse jusqu’en 1553. Intervient alors le second protagoniste.

Uesugi Kenshin, seigneur d’Echigo et passant pour être une incarnation de Bishamonten, le dieu de la guerre. Issu d’un clan vassal des Uesugi, il en reprend le nom après avoir accueilli l’un des derniers Uesugi, poussé à l’exil par les Hojo. En échange de son accueil, Kenshin obtient de pouvoir reprendre le nom des Uesugi, bien plus ancien et plus estimé que celui de son propre clan. Maitre de la province d’Echigo, général renommé (et aussi alcoolique notoire), Kenshin voit d’un œil inquiet la progression des Takeda en Shinano. Non pas par bonté d’âme, mais parce qu’il sait qu’il risque d’être le suivant si l’ensemble de la province au sud de la sienne tombe aux mains d’un seigneur comme Takeda Shingen. En 1553, l’un des derniers opposants à Shingen en Shinano, Murakami Yoshikiyo, s’enfuit en Echigo et réclame l’aide de Uesugi Kenshin. Ce dernier estime qu’il est temps pour lui de s’impliquer, afin d’empêcher les Takeda de s’avancer plus encore.

Takeda Shingen et Uesugi Kenshin

En juin 1553, suite aux demandes des Murakami, mais pour ses propres intérêts, Uesugi Kenshin lance soudainement ses armées vers le sud ouest, en Shinano, afin de prendre les Takeda par surprise pendant qu’ils étaient occupés à poursuivre les restes des défenseurs Murakami dans la zone de Kawanakajima. Kenshin n’y trouve toutefois pas Takeda Shingen, mais en profita pour pousser plus au sud. De son côté, après avoir battu les Murakami et s’être emparé de la forteresse de Katsurao, leur principale place forte, Shingen avait entrepris de solidifier son emprise sur la région et avait envoyé ses troupes pousser jusqu’au sanctuaire de Hachiman, un peu plus au nord, le long de la rivière Chikumagawa. Là, les forces de Uesugi affrontèrent le 3 juin une force inférieure en nombre des Takeda, possiblement une simple avant-garde. Victorieux, Kenshin pousse alors rapidement contre la forteresse de Katsurao et l’assiège. Malgré la mort de l’un des commandants Takeda, il ne parvient toutefois pas à s’en rendre maître. Takeda Shingen, de son côté, ne voulu pas risquer une campagne à laquelle il n’était pas préparé et préféra finalement retirer ses forces plus au sud, dans une zone déjà sécurisée auparavant et où se trouvait l’un de ses généraux favoris, Baba Nobuharu, avant de lui-même retourner à Kofu, sa capitale, dans Kai.

Il n’était toutefois nullement question pour les Takeda d’en rester là. Dès septembre, repartant de Kofu, Takeda Shingen remonta une nouvelle fois en Shinano, déterminé à pousser toujours plus loin son avantage. Murakami Yoshikiyo s’étant ré-établi dans une partie de ses terres, à l’aide des Uesugi, Shingen le visa une fois encore. Incapable de se défendre seul, Murakami Yoshikiyo se réfugia une fois encore auprès de Kenshin. Dans une première confrontation de grande envergure, les Takeda et les Uesugi s’affrontèrent à Fuse (au nord d’Hachiman, le précédent affrontement) en septembre, à une date qui n’est pas certaine. Les détails de la bataille sont incertains, mais Uesugi Kenshin en sorti vainqueur. Un peu plus tard, en octobre, les deux armées s’affrontèrent une fois de plus à Hachiman, et il semble que les Uesugi en sortirent une fois de plus, pour la troisième fois en une seule année. Poussant leur avantage, les Uesugi descendirent plus avant vers le sud, le long de la Chikumagawa, et s’emparèrent d’au moins une forteresse des Takeda. Ces derniers, toutefois, n’étaient pas vaincus de manière critique. Et, fin octobre, ils repartirent à l’attaque, brûlant la forteresse nouvelle conquise par les Uesugi. L’année se termina sur des escarmouches, puis, l’hiver approchant, les belligérants se séparèrent et la première campagne de Kawanakajima pris fin.

1554 ne vit aucune confrontation entre les deux clans. Takeda Shingen préféra renforcer son emprise sur une autre section de Shinano, afin de protéger ses arrières en vue d’une possible future campagne vers Kawanakajima. Celle-ci ne tarda pas, puisque dès 1555, Shingen ordonna à l’un de ses soutiens en Shinano de s’en prendre aux possessions des Uesugi, plus au nord, nord-ouest de la Chikumagawa. Si Uesugi Kenshin laissait faire, Shingen aurait progressivement un accès direct sur Echigo et la capitale de Kenshin. En conséquence, ce dernier s’avança en Shinano en juillet, s’installant sur ligne de défense composée de plusieurs forteresses construites sur son ordre après la première campagne de Kawanakajima. Kenshin s’installa lui-même à proximité du temple sacré de Zenkoji. Non loin se situait une forteresse occupée, elle, par les Takeda : Asahiyama. L’arrivée de Uesugi Kenshin ne resta pas longtemps secrète : l’un des moines du temples, partisan des Takeda, se rendit en secret à la forteresse et en avertit les occupants. L’information fut rapidement relayée à Takeda Shingen, déjà en chemin vers Kawanakajima. Ce dernier fit dépêcher rapidement des renforts à la forteresse, puis installa son propre camp un peu plus au sud de là, au nord de la Chikumagawa mais au sud d’une autre rivière, la Saigawa. Les Uesugi se portèrent à sa rencontre et les combats commencèrent le 4 août. Les premiers jours virent l’affrontement tourner à l’impasse, nul ne prenant l’avantage. Les deux armées n’abandonnèrent toutefois pas leurs positions et tentèrent de manœuvrer l’une contre l’autre, sans véritable effet. Les Uesugi montèrent un féroce assaut contre la forteresse Takeda, désormais dans le dos des forces sur la Saigawa, sans succès. Chaque camp en vint à monter raids et petits assauts, espérant pousser l’autre à la faute afin de prendre l’avantage. Sans succès, une fois encore.  Finalement, après quatre mois d’affrontements, le 27 novembre, un accord de paix fut trouvé et les deux armées s’en retournèrent. Tant les Takeda que les Uesugi ne pouvaient se permettre de rester dans une impasse trop longtemps, à la fois pour ne pas être attaqués ailleurs mais aussi parce que leurs armées étaient encore composées de nombreux paysans, nécessaires aux champs. La deuxième bataille de Kawanakajima pris donc fin.

Il ne fallu pas longtemps pour que les hostilités reprennent : en mars 1557, Takeda Shingen pris avantage de la neige tardive qui bloquait Uesugi Kenshin dans sa province d’Echigo pour essayer de prendre l’avantage. Sa forteresse d’Asahiyama ayant été détruite en raison de la paix de 1555, Shingen visait la forteresse attenante, construite par Uesugi Kenshin : Katsurayama. Une tâche qu’il confia à Baba Nobuharu. Une fois la forteresse prise, les Takeda avancèrent plus encore, et conquirent la place forte de Nagahama, directement sur la frontière avec Echigo. Si la ligne de défense organisée en 1554 par Kenshin pour surplomber la vallée de la Chikumagawa était encore aux mains des Uesugi, elle était désormais complètement contournée par les Takeda. Depuis Nagahama, les Takeda se lancent ensuite sur la forteresse d’Iiyama, elle aussi sur la frontière avec Echigo, au nord de la vallée de la Chikumagawa. Mais les neiges bloquant le cols d’Echigo ayant fondues, les Uesugi purent enfin se mobiliser. Le 9 avril, des renforts furent envoyés vers Iiyama, ce qui ne tarda pas à être rapporté à Takeda Shingen. Ce dernier était encore à Kofu, les opérations sur le terrain ayant jusque là été menées par ses généraux, principalement Baba Nobuharu. Le 16 mai, Uesugi Kenshin entra en Shinano, et arriva le 19 mai à Zenkoji, sa base d’opération de la précédente campagne. Il fit restaurer Asahiyama afin de contrer Katsurayama, désormais tenue par les Takeda. Mais, contrairement à la campagne de 1555, Zenkoji était cette fois dans une position plus précaire, menacée de plusieurs côtés. Kenshin se décida donc à se retirer jusqu’à Iiyama, dans l’espoir d’attirer Shingen sur un terrain plus favorable. Mais Shingen ne s’avança pas, pas autant que le voulait Kenshin. Ce dernier décida alors d’envoyer plusieurs raids en profondeur dans le territoire déjà dominé par les Takeda, espérant enfin attirer Shingen. Malgré les dévastations de ces raids, parfois véritablement ravageurs, Takeda Shingen continua de patienter. Kenshin rappela alors ses raids, mais cette fois-ci, Shingen réagit et commença à avancer. Et répondit aux Uesugi de la même manière : en envoyant certains de ses généraux mener des raids profondément en territoire Uesugi. Inquiet de voir ses arrières encore plus sérieusement menacés, Kenshin ordonna le retrait de ses forces de Zenkoji, amenant les Takeda à enfin se lancer sérieusement à leur poursuite. Ce qui entraîna la troisième bataille de Kawanakajima, celle-ci à Uenohara. Plutôt qu’une bataille de grande envergure, il s’agissait plutôt d’une confrontation entre l’avant-garde Takeda et l’arrière-garde des Uesugi. Finalement, à nouveau, chaque camp s’en retourna chez lui, sans qu’une victoire ait été clairement décidée.

Baba Nobuharu

Il faut attendre 1561 pour que les Takeda et les Uesugi s’affrontent véritablement, dans ce qui est connu comme “la” bataille de Kawanakajima, la quatrième. En mars 1561, Uesugi Kenshin s’attaqua cette fois-ci aux Hojo, en passant à l’est des possessions des Takeda. Kenshin mis le siège à la capitale-forteresse de Odawara, avant d’être repoussé. Takeda Shingen, alors allié aux Hojo, manifesta son soutien en mai, en envoyant un raid attaquer de nouvelles positions Uesugi dans la lignée de ce qui avait déjà été conquis par Baba Nobuharu en 1557. Pressentant la possibilité d’une invasion de son territoire, Kenshin ordonna des préparatifs. Estimant que, pour l’envahir, Shingen devrait d’abord passer par Kawanakajima, Kenshin ordonna le 23 septembre d’avancer une fois de plus en Shinano. Cette fois, il amenait avec lui près de 18 000 soldats. Une fois de plus, Kenshin se dirigea vers Zenkoji, en prenant soin de conserver la Chikumagawa entre lui et les Takeda. Car Shingen avait mis à profit les années passées pour fortifier les montagnes au sud de la rivière, copiant le système défensif des Uesugi au nord de celle-ci. Il avait également installé des fortifications à KaIzu, dans la plaine, contrôlant ainsi une partie de la rivière. Estimant la menace posée par ce système de défense, Kenshin quitta Zenkoji le 25 septembre pour se repositionner sur la colline de Saijosan, à proximité de Kaizu. Takeda Shingen était encore à Kofu lorsque Kenshin effectua sa manœuvre, mais il en fut rapidement informé, en moins d’une seule journée. En effet, Shingen avait mis en œuvre sur l’ensemble de son territoire un ensemble de tours à feu, permettant de relayer rapidement des informations depuis les frontières jusqu’à la capitale en quelques heures.

Le 27 septembre, Takeda Shingen quitta Kofu à la tête d’une ost de 16 000 hommes, pour arriver dans les environs de Kawanakajima le 3 octobre. Plutôt que de se rendre à Kaizu, Takeda Shingen choisit, comme Kenshin l’avait fait, de garder la Chikumagawa entre lui et Kenshin. Aussi, au lieu d’être à l’est de la rivière, il se déplaça à l’ouest et se positionna en face de Saijosan. Puis, soudainement, au lieu de rester face à Kenshin, Takeda Shingen et ses forces franchirent de nouveau la Chikuagawa et s’installèrent à Kaizu. Non pas qu’il comptait y rester. En effet, un plan était en action. Aux côtés de Shingen se trouvait l’un de ses meilleurs généraux, Yamamoto Kansuke. Yamamoto Kansuke n’était pas un grand combattant : l’une de ses jambes était faible, et il lui manquait un œil. Mais son talent stratégique lui avait permis de gravir les échelons, au point de se retrouver au premier rang des généraux de l’un des plus puissants daimyos du Japon, à presque 70 ans. Pour cette occasion, Kansuke avait devisé un plan bien particulier, “kitsutsuki no sempo” (“opération pivert”). Il s’agissait d’un plan consistant à déployer l’ensemble de l’armée Takeda en plusieurs unités séparées sous le couvert de la nuit du 17 octobre. D’un côté, Takeda Shingen devait prendre 8 000 hommes, re-traverser la Chikumagawa et se positionner dans la plaine de Kawanakajima. Pendant ce temps, toujours dans la nuit, un autre général Takeda devait emmener 12 000 hommes et grimper en silence la colline de Saijosan, où se trouvait encore Uesugi Kenshin, et l’attaquer à revers. Repoussé par cet assaut, les Uesugi devaient logiquement reculer vers la plaine et être pris en tenaille par la force principale de Shingen, menant à une annihilation complète.

Yamamoto Kansuke (1500 - 1561) | Wiki Samurai Chronicles | Fandom

Yamamoto Kansuke

Le 17 octobre, dans la nuit, l’armée Takeda entama donc ses manœuvres. Takeda Shingen traversa la Chikumagawa et arrangea ses forces en formation. Qu’il ait su le faire de nuit et en silence est une preuve du haut degré d’entrainement et de discipline atteint alors par son armée. Pendant ce temps, l’autre partie entamait discrètement l’ascension de la colline de Saijosan. Mais quand, à l’aube, les 12 000 hommes chargèrent finalement au sommet, pour pousser vers leur perte les samouraïs Uesugi… ils ne trouvèrent rien ni personne. Nul camp. Nulle armée. De Uesugi Kenshin et de ses hommes, plus aucune trace. Pire encore, alors que l’aube se levait, des bruits de bataille se firent entendre au loin. Car le plan retors de Yamamoto Kansuke avait été éventé. Par ses éclaireurs, Kenshin compris que quelque chose se préparait. Et lui-même mis à profit le couvert de la nuit pour quitter la colline de Saijosan pour descendre dans la plaine et traverser la Chikumagawa, avant de se lancer à l’attaque contre les forces de Shingen. Au lieu de fuyards, ce fut une armée en ordre de bataille qui attaqua soudainement les forces des Takeda dans la plaine. L’assaut surprise des Uesugi frappa en premier l’aile gauche des Takeda, commandée par Takeda Nobushige, un frère de Shingen. Dans les combats qui s’ensuivirent, Nobushige fut tué. Contre la formation des Takeda, les Uesugi employaient l’une des tactiques favorites de Kenshin, un système de rotation des unités, chargeant l’ennemi avant de se retirer rapidement pour se reposer à l’arrière et envoyer à l’avant des troupes fraîches. Grâce à cette tactique, les Uesugi poussèrent à travers l’armée Takeda, encore et encore. Jusqu’à ce que finalement, le QG de Shingen soit directement menacé. Un nouvel effort des Uesugi les amena jusqu’au QG, affrontant directement les gardes du corps de Shingen, ses plus loyaux vassaux. Yamamoto Kansuke, voyant son seigneur en danger de mort en raison de sa tactique, attrapa une lance et se jeta lui-même dans la mêlée malgré son âge et son corps frêle. Frappé de 80 blessures (dit-on), il se donna la mort. Pendant que Kansuke se faisait tuer, un autre duel se jouait. Takeda Shingen, toujours au milieu de son QG, était encore assis sur son tabouret, lançant ses ordres et dirigeant ses troupes alors même que les combats faisaient rage à quelques mètres seulement. Soudain, un cavalier perça la mêlée et se rua vers le Seigneur de Kai. Habillé d’un jinbaori (surcote) vert, Uesugi Kenshin, la réincarnation de Bishamonten, s’avançait pour frapper le Tigre de Kai. Ce dernier n’avait alors en main que son éventail de guerre renforcé de métal, qu’il utilisait pour donner des ordres. Trop tard pour dégainer son arme, Kenshin était déjà sur lui. Un coup, puis un deuxième, puis un troisième coups s’abattent successivement sur Takeda Shingen. Lui les pare de son éventail. Finalement, Uesugi Kenshin recula, d’autant que la garde rapprochée de Shingen l’avait rattrapé et entourait maintenant leur seigneur, frappant quiconque s’approchait. Kenshin s’éclipsa donc.

Takeda Shingen et Uesugi Kenshin croisant le fer

Mais Takeda Shingen n’était pas encore tiré d’affaire. Son armée était au bord de la défaite, repoussée sur tous les fronts. Son QG était envahi, son frère Nobushige était mort, son principal stratège également. Puis l’un de ses oncles également. Ses soldats se faisaient tuer sur place, mais les Uesugi semblaient inarrêtables. Quand soudain, sur les arrières des Uesugi, de furieux cris de guerre et de rage retentirent. La seconde partie de l’armée Takeda arrivait enfin en renfort, après avoir dévalé en hâte Saijosan et avoir brutalement massacré une arrière-garde de 1 000 hommes placée pour les ralentir. Les 12 000 hommes encore frais prenaient à revers l’armée des Uesugi, dans une rage affolée à l’idée que leur seigneur soit en danger de mort. Uesugi Kenshin sent qu’il ne peut plus gagner, mais il peut encore éviter la défaite. Il ordonne la retraite et son armée se retire vers Zenkoji, en bon ordre. Takeda Shingen, ayant échappé de peu à la mort, le laisse repartir. La bataille a été sanglante, on estime les pertes à près de 60 %, voire jusqu’à 70 %, des deux armées. Les deux armées clamèrent la victoire… avant de s’en retourner panser leurs plaies de leurs côtés. Ainsi pris fin la quatrième bataille de Kawanakajima.

Dans les années qui suivirent, Kenshin et Shingen ne s’affrontèrent pas directement, bien que fomentant des problèmes l’un à l’autre en soutenant les ennemis de l’un et de l’autre. En 1564, Takeda Shingen parvint à convaincre le clan Mutsu d’une alliance pour attaquer Echigo sur deux fronts. A la mi-mai, des vassaux de Shingen en Shinano attaquèrent la frontière avec Echigo, pendant que le clan Mutsu attaquait également. Si les premiers obtinrent quelques succès, et menèrent de dangereux raids directement en Echigo, les Mutsu furent durement repoussés par les Uesugi. Aussi les forces des Takeda se retirèrent-elles prudemment. Mais Uesugi Kenshin, incertain et suspicieux d’un nouvel assaut, avança une fois encore en Shinano, une fois encore à Zenkoji, le 6 septembre. Puis, le 8 septembre, Kenshin s’avança sur la plaine de Kawanakajima, espérant attirer Shingen. En vain. A la grande irritation de Kenshin, Shingen ne se présenta pas. Finalement, Shingen se déplaça à son tour en Shinano, mais seulement début octobre. Sans grand effet : à nouveau, les deux armées se toisèrent, manoeuvrèrent et eurent quelques escarmouches, mais aucun combat d’envergure n’eut lieu. Finalement, Uesugi Kenshin se retira, de même que Takeda Shingen. Ce fut la dernière campagne de Kawanakajima.

Si les affrontements en eux-mêmes se sont en général terminé sur des égalités, en quelque sorte, il est toutefois clair que la victoire générale revient à Takeda Shingen. En effet, à l’issu des campagnes de Kawanakajima, la province de Shinano est entièrement sienne. Uesugi Kenshin ne reviendra plus la lui contester, et la frontière sera établie clairement entre Shinano et Echigo. A chaque campagne, malgré des revers parfois brutaux, les Takeda ont gagné du terrain, d’un côté ou d’un autre, jusqu’à ce que la totalité de la province soit dominée par le Tigre de Kai. Mais ailleurs, de nouvelles menaces firent jour. Plus au sud ouest, les Imagawa étaient tombés soudainement sous les coups d’un clan mineur, à la bataille d’Okehazama en 1560. Oda Nobunaga devenait une nouvelle menace à affronter.

Bibliographie : 

– “Kawanakajima 1553 -64”, Stephen Turnbull, Osprey Publishing

– “Japan, the story of a nation”, Edwin O. Reischauer, 1981

– “A History of Japan 1334-1615”, George Sansom, 1958

– “Sengoku Jidai. Nobunaga, Hideyoshi, and Ieyasu: Three Unifiers of Japan” – Danny Chaplin, 2018


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