Le feu qui couvait entre Ishida Mitsunari et Tokugawa Ieyasu a finalement explosé. Le feu est aux poudres, et le Japon s’embrase. Près de Kyoto, l’Armée de l’Ouest s’est enfin emparée du château de Fushimi, malgré la résistance héroïque de Torii Mototada. Celui-ci à toutefois gagné 12 jours à son seigneur, qui a pu rentrer à Edo sans problèmes et commencer à mobiliser troupes et alliés.
Le plan de Mitsunari est contrarié, mais il n’est pas encore déjoué. Le puissant clan Uesui, au nord, mobilise en force pour frapper depuis le nord, tandis que Mitsunari et le reste de l’Armée de l’Ouest attaqueront du sud. Ieyasu n’est toutefois pas près à se laisser piéger de cette manière : il a conçu une contre-offensive. Lui-même se tournant vers le sud et Mitsunari, il envoie contre les Uesugi la plupart des clans du nord, et notamment le clan Date, afin de bloquer ou au moins de ralentir l’ennemi. Après quelques revers, les Date et les autres soutiens de Ieyasu parviennent à bloquer les forces des Uesugi, les empêchant de marcher vers le sud et de prendre Ieyasu à revers.
Au grand dam de Mitsunari, c’est donc les mains libres que Ieyasu peut se permettre de redescendre vers le sud. Il a mobilisé pas moins de 70 000 combattants pour le seul clan Tokugawa, qui seront renforcés par la masse des alliés. Le maître du Kanto scinde ses propres troupes en deux colonnes. La première, 38 000 hommes dirigés par son fils Hidetada, doit progresser le long de la Nakasendo, l’une des routes reliant le Kanto à Kyoto. Hidetada n’a qu’un seul ordre : ne se faire retarder sous aucun prétexte. La deuxième colonne, non moins importante, rassemble 30 000 hommes autour de Ieyasu.
Ishida Mitsunari et Tokugawa Ieyasu
De son côté, Mitsunari, vainqueur à Fushimi, hésite. L’armée de l’Ouest, contrairement à sa rivale, souffre d’un défaut crucial : elle ne dispose d’aucun commandement clairement établi. S’il a été négocié, entre les Mori et Mitsunari, que Mori Terumoto soit désigné chef de la coalition, ce dernier est resté à Osaka auprès du jeune Toyotomi Hideyori. Mitsunari est donc, de fait, celui qui prend les décisions sur le terrain. Mais cet état de fait ne plaît pas à l’ensemble des seigneurs de la coalition, et Mitsunari lui-même n’est jamais certain que ses ordres seront suivis. D’autant que, administrateur plus que général, lesdites décisions sont parfois prises de haut par les autres généraux, militaires chevronnés.
Une guerre de sièges
La route de chaque armée n’est toutefois pas une promenade. Bien que qualifiée respectivement d’armées de l’Ouest et de l’Est, chaque camp dispose de partisans un peu partout, y compris parfois en plein milieu d’autres seigneurs ennemis. Ainsi, sur la Nakasendo, le clan Sanada occupe la forteresse d’Ueda. Si l’un des fils s’est rallié à Ieyasu, le père et le deuxième fils (le célèbre “Sanada Yukimura”) ont pris le parti de Mitsunari. Inversement, de l’autre côté, nous avons déjà pointé Fushimi. Nous pouvons aussi évoquer la forteresse d’Otsu, sur les bords du lac Biwa, dans lequel résiste Kyôgoku Takatsugu. Chaque camp, durant sa marche, s’efforcera de réduire ces forteresses ennemies. Huit sièges différents auront lieu de part et d’autre, ce qui affectera fortement la bataille finale à Sekigahara.
Pour l’armée de l’Est, la route vers Kyoto passe par Owari et Mino. Ieyasu dispose déjà d’un contrôle sur Owari, via son allié Fukushima Masanori, qui occupe la forteresse (et capitale d’Owari) de Kiyosu. Mais la forteresse de Gifu, elle, verrouille la province de Mino. Qu’à cela ne tienne : Fukushima Masanori s’élance contre elle. Il n’est pas le seul : Kuroda Nagamasa marche également contre la place forte. Si cette dernière finit par tomber, cela ne se fait pas sans sueurs froides pour les assaillants. Non pas tant du fait des défenseurs eux-mêmes qu’en raison des rivalités entre Masanori et Nagamasa. L’un comme l’autre tentent de se distinguer en prenant son “allié” de vitesse… au point d’en venir à se provoquer mutuellement en duel ! La chute de la place forte vient heureusement calmer les tensions, mais de peu.
Autre siège majeur, celui d’Ueda. Défendue par les Sanada, la forteresse surplombait la Nakasendo sur laquelle cheminait Hidetada, l’héritier de Ieyasu, et ses 38 000 hommes. Pour assouvir de vieilles rancunes contre les Sanada, et contre l’ordre de son père, Hidetada ordonne le siège de la place. Une affaire facile en apparence : les défenseurs ne sont que 3 000, dix fois moins nombreux. Mais les Sanada résistent, et se paient même le luxe de quelques sorties. Furieux, Hidetada s’entête, refusant d’écouter les généraux de son père qui lui rappellent son devoir : continuer sa route le plus vite possible. S’il entend finalement raison, il est trop tard : ayant perdu quelques jours devant Ueda, Hidetada et ses 38 000 hommes ne parviendront à Sekigahara le soir de la bataille.
Ce problème de dispersion des troupes, Ishida Mitsunari va également le connaître. Il a envoyé 15 000 hommes assiéger Kyôgoku Takatsugu à Otsu, non loin de Kyoto. Mais, contre toute attente, les 3 000 hommes de la garnison résistent. La place forte bénéficie d’être sur les bords du lac et de disposer de douves inondées (une rareté pour l’époque). Les assaillants se disputent et Kyôgoku Takatsugu en profite pour mener ses propres sorties. La place ne tombera que le 21 octobre, le jour même de la bataille de Sekigahara.
15 000 autres hommes feront défaut à Mitsunari. Enfermé dans le château de Tanabe, le vieux Hosokawa Yusai hurle sa haine de Mitsunari. Après le suicide de Hosokawa Gracia, sa fille, et la mort de sa petite-fille, le patriarche s’est enfermé dans sa forteresse et a annoncé son ralliement à Ieyasu. Assiégé en conséquence, ses perspectives sont peu réjouissantes : il ne dispose que de 300 à 500 hommes contre les 15 000 assaillants. Mais voilà : Hosokawa Yusai dispose d’un avantage : tous, ou presque, les généraux qui sont sous ses murs ont un jour ou l’autre étudié sous ses ordres. Et aucun ne se sent l’âme patricide. Les assauts sont donc feints, les assaillants allant jusqu’à tirer à blanc pour simuler de l’action. Hosokawa Yusai est aussi l’un des plus fin lettrés du pays. Poète réputé, il possède une bibliothèque à nulle autre pareille. Le risque était tel que l’Empereur lui-même intervient. Envoyant l’un de ses fils sur place, il parvint à faire mettre le siège en “pause” pour évacuer les livres. Un décret officiel de l’Empereur ordonne ensuite la reddition, mettant fin à la comédie. Au total, ce sont 30 000 hommes qui manqueront à Mitsunari à Sekigahara.
Avant la bataille – face à face à Ogaki
Mais tous ces sièges ne sont que le prélude au véritable affrontement qui vient. Bien que dépêchant des troupes ici et là pour s’emparer de places fortes, les deux grandes armées se sont rapprochées l’une de l’autre. Si Mori Terumoto, le “chef” de l’armée de l’Ouest, reste retranché dans Osaka, l’armée de l’Ouest a continué de progresser. De même pour l’armée de l’Est.
Le 18 octobre, Tokugawa Ieyasu entre à Kiyosu, avant de poursuivre sa route. Ishida Mitsunari n’est plus très loin, s’étant retranché un peu plus à l’ouest, dans la forteresse d’Ogaki. L’avant-garde de l’armée de l’Est ne tarde pas à arriver et à s’installer à proximité. Tokugawa Ieyasu arrive enfin, à son tour, le 20 octobre dans l’après-midi. L’armée de l’Ouest continue de souffrir de son manque de commandement unifié, d’autant plus que son “chef”, Mitsunari, s’absente lui-même afin de rallier son domaine, tout proche, et ordonner à ses quelques hommes restés d’en renforcer les défenses. Mitsunari s’inquiète à bon droit : son domaine est une cible de choix pour Ieyasu, d’autant plus qu’il est sur le chemin menant à Kyoto et à Osaka. Mais son absence momentanée n’aide pas l’armée de l’Ouest à rester en confiance.
Kikkawa Hiroie et Kobayakawa Hideaki
Revenu à Ogaki, Ishida Mitsunari peut toutefois se féliciter de l’arrivée du contingent des Mori : pas moins de 20 000 hommes, qui se joignent aux 6 600 soldats des Chosokabe et aux 15 600 guerriers des Kobayakawa. La masse de soldats sous ses ordres grossit, atteignant autour de 85 000 hommes. Ce que Mitsunari ne sait pas encore, c’est que tous ses partisans ne le soutiennent pas autant qu’il n’y paraît. Ainsi, dans les rangs des Mori, deux factions existent. Si la première veut la guerre, la deuxième, menée par un certain Kikkawa Hiroie, considère qu’affronter les Tokugawa est au mieux aventureux. Dans le dos de ses suzerains, Kikkawa Hiroie contacte Ieyasu et lui propose d’intervenir pour que les Mori ne participent pas à la bataille. En échange, s’il l’emporte, Ieyasu ne punira pas le clan Mori.
Une autre trahison se manigance également. Kobayakawa Hideaki, jeune seigneur à la tête de presque 16 000 hommes, a adressé une lettre à Ieyasu dans laquelle il jure qu’il se retournera contre Mitsunari pendant la bataille. S’il a participé, jusqu’ici, à la campagne dans les rangs de l’armée de l’Ouest, Hideaki ne semble pas avoir oublié qu’il fut poussé en disgrâce devant Hideyoshi par Mitsunari.
Enfin, Ishida Mitsunari s’aliène un autre de ses alliés. Le clan Shimazu, mené par Shimazu Yoshihiro, a rallié l’armée de l’Ouest. Général aguerri, surnommé “Oni-Shimazu”, le “démon-Shimazu” pour ses prouesses guerrières, il ne mène au combat qu’une “petite” troupe de 1 200 hommes. Mais nul n’ignore le danger qu’il représente, et ce sont là des troupes d’élites. Le soir du 20 octobre, Yoshihiro insiste auprès de Mitsunari et du reste des généraux : les Tokugawa ne se sont pas encore complètement retranchés. Ils viennent d’arriver à Ogaki, n’ont pas pu se reposer. C’est l’occasion idéale pour une attaque de nuit. Il faut attaquer maintenant, poursuit Yoshihiro. Il ne parle pas à la légère : contrairement à la majorité de ses pairs, il est un expert des attaques nocturnes, dont le clan Shimazu – jamais à court de bizarreries – se faisait une spécialité. Mitsunari et Shima Sakon rejettent sa stratégie, la jugeant “couarde”. Le mot lui est jeté à la figure. Yoshihiro s’incline… mais n’en pense pas moins, et médite immédiatement une revanche. Et comme chacun le sait, la vengeance est un plat qui se déguste froid.
Finalement, Ishida Mitsunari décide à abandonner Ogaki et de se retirer. Il ne va pas loin, puisqu’il choisit la vallée de Sekigahara, non loin de là. La position contrôle la route pour continuer vers Osaka, et Mitsunari craignait que Ieyasu ne le dépasse et ne s’en aille assiéger directement la place forte. Il y gagne également un véritable avantage, car il y retrouve d’autres contingents de sa coalition, renforçant encore ses troupes. Enfin, cela lui permet de bénéficier d’un terrain favorable : ayant choisi le terrain, il s’installe sur les collines surplombant la vallée.
Tandis qu’il se place lui-même au centre, avec Shima Sakon, les multiples clans se rangent à sa droite et sur sa gauche. Le plan est d’attirer l’armée de l’Est dans la plaine de Sekigahara, puis de l’encercler. Cette dernière manœuvre doit être opérée par les Kobayakawa, qui sont donc placés sur le flanc droit, et les Mori/Kikkawa, encore plus à droite. Sur le papier, un plan parfait.
A Ogaki, l’armée de l’Est s’est finalement rendu compte que leurs vis-à-vis ont quitté les lieux. Il ne leur faut guère de temps pour retrouver la trace de ceux-ci, et pour les suivre dans la nuit. Ieyasu et sa coalition parviennent à Sekigahara tôt dans la matinée, alors qu’un brouillard épais a recouvert la plaine, dissimulant les belligérants les uns aux autres.
21 octobre 1600 – Sekigahara
Finalement, à la grande joie de Mitsunari et de ses alliés, Ieyasu a mordu à l’hameçon. Il a engagé ses forces dans la vallée de Sekigahara. Oh, il n’est pas dupe, il a vite compris le but de ses ennemis, et ne se jette pas dans la gueule du loup sans quelques précautions. Il marche à la tête, lui aussi, de près de 85 000 soldats. Et il positionne certains de ses régiments sur son flanc gauche, en vu de réceptionner tout assaut du flanc droit de Mitsunari (les Mori et les Kobayakawa). Lui-même positionne son quartier général sur une colline, plutôt à l’arrière de la vallée. Dans chaque camp, les estafettes galopent de toutes part, distribuant ordres et informations tandis que les troupes se mettent en ordre
Mais, au Japon, le protocole a son importance. L’honneur de verser le premier sang est très disputé. De son côté, Ieyasu a officiellement donné l’ordre que Fukushima Masanori ouvre les hostilités et revendique cet honneur. Mais le vieux renard n’entend pas, en privé, que quiconque en prive le clan Tokugawa. Il envoie pour cela son 4e fils, Tadayoshi, accompagné d’un fidèle : Ii Naomasa. Celui-ci, rusé, escorte Tadayoshi avec seulement une petite escouade. Ensemble, ils se glissent à travers les rangs des Fukushima, jusqu’à être hélés par un officier, qui leur rappelle que le premier sang a été accordé à son maître et que nul n’a l’autorisation d’avancer avant lui. Naomasa rétorque que le fils de Ieyasu ne vient que pour mener une reconnaissance. Et de passer outre les protestations. Se lançant au galop, la petite escouade se rue sur les défenses de l’armée de l’ouest, décharge quelques armes à feu et se retire tout aussi vite. Ieyasu peut exulter, c’est un Tokugawa qui aura débuté les combats.
Fukushima Masanori (est) enrage, et il enrage d’autant plus que, surchauffés par l’exemple de leur chef, c’est maintenant le clan Ii tout entier qui charge, rapidement imités par les hommes de Tadayoshi. Masanori ne peut plus compter sur l’honneur du premier sang, mais la bataille n’est pas finie. Le clan Fukushima s’engage à son tour, bouillants de venger l’affront et empressés de massacrer leurs ennemis. Ils se heurtent au clan Ukita (ouest), qui défend le centre. Les Fukushima ne sont pas seuls, étant bientôt rejoints par les Kuroda et les Hosokawa (est), qui s’en prennent aux hommes de Shima Sakon (ouest), lui aussi au centre.
Ce premier assaut n’est toutefois pas couronné de succès. Les Ukita et les Shima se défendent férocement, s’appuyant sur les ouvrages défensifs érigés depuis leur arrivée. Un deuxième assaut remporte plus de succès, parvenant à tuer le fils de Shima Sakon puis à blesser mortellement ce dernier. Le clan Shima ne plie toutefois pas, et est renforcé par d’autres troupes de l’armée de l’Ouest.
Charges après charges, l’armée de l’Est de Ieyasu se heurte aux défenses établies par l’Ouest, sans parvenir à un avantage décisif. Alors que les heures s’écoulent et que le massacre se poursuit, la position de l’armée de l’Est peut rapidement devenir précaire. Tokugawa Ieyasu escomptait pénétrer rapidement les défenses qui lui font face et plier l’affaire, et son armée piétine. Inquiet, Ieyasu en vient même à déplacer son propre quartier général plus en avant, afin de se rapprocher du front et pouvoir mieux diriger ses forces. Ce faisant, il se place lui-même au centre de la vallée de Sekigahara, au centre du piège qui doit se refermer.
Bataille de Sekigahara
Mitsunari pourrait alors exulter, mais lui aussi a des motifs de s’inquiéter. Alors que la bataille dure déjà depuis plusieurs heures, ni les Kobayakawa ni les Mori ne se sont impliqués. Et ils ne sont pas les seuls. Au centre, les redoutables Shimazu restent l’arme au pied. Yoshihiro, tout à sa fureur de l’insulte reçue la veille, refuse d’engager son contingent dans la bataille malgré les messagers pressants de Mitsunari.
Sur le flanc droit règne un silence étrange. Les Mori envisagent d’avancer, mais sont bloqués par leur propre vassal. Respectant sa parole donnée en secret à Ieyasu, Kikkawa Hiroie, responsable de l’avant-garde des Mori, refuse de bouger et menace quiconque tentera de le contourner : il est le seul responsable de l’avant-garde et il ne tolèrera pas qu’on le déborde. En conséquence, les 20 000 hommes des Mori sont bloqués en haut de leur colline, et derrière eux les 6 600 soldats des Chosokabe. Kobayakawa Hideaki, à la tête de 15 600 hommes, soupèse ses options. Certes, il déteste Mitsunari. Certes, il a promis à Ieyasu de changer de camp durant la bataille. Mais l’affaire ne semble pas si bien engagée pour l’armée de l’Est. Et une promesse faite à un perdant n’a aucune valeur. Ne vaudrait-il pas mieux rester à l’Ouest ? Faut-il faire défection ?
Si les regards de Ieyasu et de Mitsunari sont tournés vers les collines du sud, où se trouvent les Mori et surtout les Kobayakawa, mais les combats continuent dans la vallée. Les Ukita (ouest), alignant une impressionnante force de 17 000 guerriers, ne se contentent plus de repousser l’assaut de Fukushima Masanori (est). Au bout de trois heures de combats ininterrompus, les hommes de ce dernier sont épuisés, et commencent à flancher. Les Ukita commencent à progresser, soutenu sur leur flanc par Otani Yoshitsugu (ouest), le daimyo lépreux. Ce dernier, souffrant, mène pourtant ses troupes depuis un palanquin. Ensemble, les Ukita et les Otani repoussent petit à petit l’armée de l’Est. Otani Yoshitsugu, toutefois, garde un œil sur son flanc. Il se méfie de l’inaction des Kobayakawa et prépare même quelques défenses.
Les Ukita (ouest), pendant ce temps, continuent de bousculer les Fukushima (est). Il faut l’intervention de renforts pour éviter une débâcle. Parmi les renforts, le redouté Honda Tadakatsu et ses 500 combattants d’élite, qui se détournent de leur tentative d’atteindre Mitsunari. Cette intervention permet de stabiliser le front, mais elle ne règle en rien le problème qui accable les deux camps : que va décider l’aile droite de l’armée de l’ouest.
Kobayakawa Hideaki – la trahison et la victoire
Finalement, excédé de l’attente, refusant de perdre son destin, Ieyasu tranche. Les Siths ne sont pas les seuls à être dans l’absolu : si Kobayakawa Hideaki n’est pas avec lui, il est contre lui. Pour forcer le jeune homme à se décider, Ieyasu ordonne à une escouade d’arquebusiers de tirer sur la colline où le clan est positionné. Et les balles de siffler aux oreilles d’Hideaki. Risquée, la manœuvre obtient enfin une réaction. Hideaki se décide finalement, tire son sabre et ordonne la charge. Le clan Kobayakawa au complet entreprend de dévaler au galop.
Dans l’armée de l’Ouest, l’incrédulité le dispute à la surprise et au désespoir. Le goût amer de la trahison, aussi, sans doute. Car les Kobayakawa ne chargent pas en direction des forces de Ieyasu, mais vers Otani. Ils entraînent avec eux quelques clans indécis, gonflant leur nombre à 20 000. Ayant pris leurs précautions, les Otani parviennent un temps à contenir la déferlante. Las, cette résistance ne dure qu’un temps : largement en infériorité numérique, ils sont massacrés.
Les Otani écrasés, la vague des traîtres poursuit son chemin et s’en prend aux Ukita. Pris de flanc, ceux-ci flanchent. Rapidement, c’est toute l’armée de l’Ouest qui sombre dans la panique et la débandade. Ishida Mitsunari ne peut plus rien, regardant avec désespoir ses forces se désintégrer suite à cette trahison. Il finit par s’enfuir à son tour, disparaissant dans les bois. Toute l’armée de l’Ouest est en déroute.
Honda Tadakatsu et sa Tonbogiri / Shimazu Yoshihiro
Enfin, presque toute, car Shimazu Yoshihiro sort enfin de son inaction… pour ordonner à ce qu’il reste de ses hommes de plonger dans la marée des guerriers Tokugawa qui lui font face. Accompagnée de 200 hommes, tout ce qu’il lui reste, Yoshihiro parvient à s’enfoncer dans les rangs de l’armée de l’Est. S’il vise le quartier général de Ieyasu, il est toutefois bloqué par Ii Naomasa et ses Diables Rouges. Yoshihiro se résout à s’extraire de la mêlée. Il y parviendra grâce au sacrifice fanatique d’une partie de ses hommes, dont son neveu Toyohisa, qui se feront tuer pour empêtrer les poursuivants dans leur cadavre. Ils obtiennent au seigneur Shimazu le temps qu’il lui faut pour s’enfuir et rentrer à Satsuma. En s’enfuyant, les Shimazu entraînent dans la retraite les Mori et les Chosokabe. La bataille s’achève, Ieyasu peut enfin clamer victoire.
Conséquences
Au soir de Sekigahara, près de 30 000 soldats jonchent le champ de bataille, quand près de 170 000 hommes se battaient. Tokugawa Ieyasu triomphe, et entre dans Kyoto. De là, il va pouvoir mener une chasse à ses opposants, qui tentent de se cacher. Bien souvent en vain. Quant aux Toyotomi, qui n’ont pas participé à la campagne, ils assistent, impuissants, à l’apparition d’un nouvel homme fort. Pour Ieyasu, il est temps de manger le gâteau. Il ne tardera pas à supplanter les Toyotomi.
Bibliographie :
“A History of Japan 1334-1615”, George Sansom, Stanford University Press, 1961
“Sengoku Jidai. Nobunaga, Hideyoshi, and Ieyasu: Three Unifiers of Japan” – Danny Chaplin, 2018
“The Battle of Sekigahara, the greatest, bloodiest, most decisive samurai battle ever”, Chris Glenn, Frontlines Books, 2021
“Sekigahara, la plus grande bataille de samouraïs”, Julien Peltier, Passés Composés, 2020
“Sekigahara, the final struggle for power”, Stephen Turnbull, Osprey Publishing, 1995
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